L'écrivain et son oeuvre

René Maran, un grand écrivain français méconnu

Le lancement de ce site est une des nombreuses manifestations suscitées dans divers pays par la commémoration du centenaire du Prix Goncourt pour Batouala, Véritable roman nègre, de René Maran, publié à Paris en 1921 par l'éditeur Albin Michel. Ce site doit permettre aux chercheur.e.s en littérature de trouver plus commodément des ressources conservées dans diverses archives et dont l'accès a longtemps été difficile. L'enjeu est de rendre compte du talent très particulier de ce grand écrivain français, méconnu aujourd'hui. En effet, c'est sans doute à cause de l'immense succès à scandale que connut Batouala en son temps, que la plupart des autres œuvres de René Maran sont depuis longtemps introuvables sur le marché du livre et rarement présentes dans les bibliothèques – universitaires ou non.

Même le roman Batouala souffre de méconnaissance, car tous les feux ont été braqués, dès l'attribution du Goncourt, sur sa célèbre préface dans laquelle René Maran avait osé dénoncer des aspects du colonialisme français, peu compatibles avec la « mission civilisatrice » que la France prétendait mener en Oubangui-Chari et ailleurs dans le monde. Très rapidement, c'est cette dénonciation et la controverse qui en suivit qui allaient occulter le reste de l’œuvre publiée en librairie. Commencée en 1909, elle devait couvrir une cinquantaine d'années jusqu'à la mort de l'écrivain en 1960. Elle  comporte quelque vingt-cinq volumes : cinq recueils de poèmes ; deux romans d'inspiration autobiographique ; deux recueils de nouvelles africaines et françaises ; un conte utopique ; les six romans de l'admirable cycle de la brousse africaine (dont Batouala n'a été que le premier, et qui inclut aussi plusieurs contes animaliers, dont cinq réunis dans le recueil Bêtes de la brousse) ; plusieurs essais de nature historique ou ethnographique concernant divers pays africains ; et une série de biographies consacrées à de grandes figures du colonialisme en Afrique (comme Livingstone, Savorgnan de Brazza et Félix Éboué) et à treize « Pionniers » de l'Empire français en Amérique et en Afrique (série publiée en trois volumes par Gallimard et incluant des études sur d'illustres explorateurs comme Jean de Béthencourt, Jacques Cartier, Nicolas de Villegaignon, Samuel Champlain, Pierre Belain d'Esnambuc et Cavelier de la Salle, notamment) ; pour finir avec une biographie inattendue de Bertrand Du Guesclin. Il faut mentionner également un nombre considérable d'essais, d'articles et de préfaces publiés dans des périodiques ou rédigés pour le Ministère des colonies et le Ministère de l'Outre-Mer, dont l'inventaire est en cours.

René Maran connut une vie peu banale en son temps. Né à Fort-de-France en Martinique, de parents guyanais, il vécut son enfance et son adolescence dans des internats à Bordeaux jusqu'à la première partie du baccalauréat, avant de suivre les traces du père, Herménégilde Maran, dans l'administration coloniale en AEF pour une douzaine d'années. Ayant démissionné en raison des tensions suscitées par le « scandale de Batouala » dans un milieu professionnel qui lui était devenu hostile, René Maran retourna en France pour s'y marier et vivre à Paris, de sa seule plume, jusqu'à sa mort en 1960, au début des « Indépendances ». René Maran devint rapidement l'une des personnalités noires les plus célèbres, un écrivain grandement admiré pour son érudition et sa maîtrise stylistique du français, recherché par toute l'intelligentsia de couleur de passage dans la capitale. Cinq ans après sa mort, un recueil d'hommages fut publié par Présence Africaine.

Une grande partie des archives personnelles et de la bibliothèque de René Maran allait faire l'objet d'une donation par son épouse, Camille Maran, à la République du Sénégal et se trouve conservée aujourd'hui à la bibliothèque de l'UCAD de Dakar. Une ébauche d'inventaire de ce fonds est proposée sous l'onglet Archives, où se trouvent aussi des présentations d'autres fonds : celui de la Bibliothèque de Bordeaux, ceux des Archives Nationales de l'Outre-Mer (ANOM), et les archives familiales.

Les références des œuvres publiées de René Maran sont listées sous l'onglet Bibliographie et suivies d'une liste des principales études consacrées à l'écrivain.

 

Charles Scheel

René et Camille Maran et les sœurs Mercès

René et Camille Maran et les sœurs Mercès (Fonds privé familial Maran-Cernard-Michel©Tous droits réservés)